Entretien avec le réalisateur Nicolas Guillou
Le réseau Shelburn, film du réalisateur Nicolas Guillou, habitant de Gommenec’h, sera présenté en avant-première le 5 octobre, au Cinéland à Trégueux. Retour sur une formidable aventure humaine démarrée il y a sept ans, à laquelle ont pris part 500 figurants et 70 comédiens professionnels.
Quelle a été la genèse de ce film ?
Nicolas Guillou : J’ai toujours été attaché à l’histoire. Mes grands-parents m’ont raconté des choses sur la guerre et lorsque je suis allé me former au cours Florent à Paris, j’ai consacré mes premières pièces à l’histoire, notamment sur ce qui était légué après-guerre. Le moment décisif a été la rencontre avec les trois résistantes de Plouha : Marie Gicquel, Anne Ropers et Marguerite Le Saux. Nous avons passé tout un après-midi ensemble. Ce sont des personnes d’une gentillesse incroyable et d’une mémoire assez fabuleuse, avec un sens du détail. En parlant avec elles, j’avais même l’impression de sentir les odeurs de l’époque. Je ressentais leurs vies et je me suis dis qu’il faudrait que je fasse un film sur elles.
Quel angle avez-vous choisi pour parler de Shelburn ?
N.G. En entrant dans l’histoire du réseau, je me suis aperçu qu’il y avait un personnage très intéressant. Il s’agit de Marie-Thérèse Le Calvez (*) qui a été l’une des première femmes à Plouha à être appelée par François Le Cornec, alors chef de la résistance plouhatine, pour entrer dans le réseau Shelburn en tant qu’hébergeuse et convoyeuse. Elle a participé à toutes les missions. Je trouvais qu’elle était complète. Mais si j’ai choisi de voyager dans l’épopée à travers elle, on voit tous les autres personnages. Il faut savoir que Marie-Thérèse fête ses 20 ans en 1944 au maquis du bois de la Salle. C’est grâce à pleins de gens comme elles que tout cela a pu fonctionner et que la liberté est là aujourd’hui. Ils nous ont fait un sacré cadeau, à nous de ne pas l’abîmer.
A quel genre appartient le film ?
N.G. Ce n’est pas de la fiction car je pars d’une histoire vraie, disons que c’est de la romance. C’est une porte vers l’histoire. Les personnes qui ont interprété les rôles, le scénario que j’ai écrit, la manière de filmer, la musique, tout cela amène de l’empathie, du vivant. On entre dans la vie des personnages. C’est intéressant car ça permet ensuite de faire un vrai travail d’histoire, notamment avec les jeunes. L’idée est de ne pas s’accaparer le film, mais que ce soit un outil pour les générations à venir.
Précisément, beaucoup de jeunes sont venus sur le plateau de tournage ?
N.G. Ils sont environ 1 000 à être venus sur le plateau. A chaque fois nous avons fait de l’éducation à l’image à travers l’écriture dramatique. Ils découvrent l’histoire mais aussi une technologie qu’ils pensaient exister au plus près à Paris. Nous leur disons « c’est chez vous les gars ». Le cinéma fait rêver, c’est un ambassadeur pour nos territoires et un lieu d’expression pour nos jeunes.
Vous êtes allés à Cannes présenter le film. Quel était l’objectif ?
N.G. Ce n’est pas la première fois que nous nous rendons à Cannes. Nous y allons car c’est le plus grand marché mondial du cinéma et une possibilité de faire connaître le film en rencontrant les exploitants de salles. Dès que nous avons montré le teaser du film, les gens se sont montrés super emballés. Nous ne nous attendions vraiment pas à cela. Nous avons également deux gros acheteurs internationaux qui sont intéressés. Nous sommes en pleines tractations.
Quel a été le moment le plus marquant lors de ce tournage ?
N.G. Je trouve que nous avons eu une chance extraordinaire, ce film a été porté par une énergie incroyable. Grâce à un partenariat avec le ministère de la Défense, nous avons été autorisés à tourner aux Invalides. Un lieu emblématique où étaient cachés les aviateurs pris en charge par le réseau Shelburn. Nous devions tourner des scènes sur le toit des Invalides un samedi. A 15 h 30 le ciel était complètement bouché, je me suis dit que ça allait être très compliqué. A 16 h, nous arrivons sur le toit, et là le ciel s’est ouvert avec le soleil venant se poser juste là où il fallait. La lumière était magnifique. A 18 h, alors que nous avions terminés, le ciel s’est refermé. Tout le tournage a été comme ça.
Comment êtes-vous venu au cinéma ?
N.G. J’ai fait l’école Florent à Paris après des études d’informatique à Rennes. Le numérique me plaisait mais j’avais envie d’aller vers l’artistique. J’ai travaillé dans une entreprise qui développait des produits électroniques autour de l’image, et le soir je me rendais au cours Florent. Alors que j’y allais pour le métier de comédien, j’y ai rencontré quelque chose de magnifique qui est l’écriture. Cela a bouleversé ma vie. Gamin je n’osais pas écrire car je faisais des fautes d’orthographes et l’on me jugeait là-dessus. Chez Florent, personne ne m’a jugé. J’ai mis en vie ce que j’écrivais en déplaçant les comédiens, en donnant des indications, j’ai pris confiance. Puis j’ai découvert le métier de réalisateur sur les plateaux de tournage et j’ai trouvé ça magique.
>>> Le réseau Shelburn. Avant-première le 5 octobre au Cinéland de Trégueux. Sortie nationale au mois de janvier.
Le réseau shelburn est un réseau de résistance créé en 1943. Il visait à exfiltrer vers l’Angleterre, depuis la plage Bonaparte à Plouha, les aviateurs alliés abattus par les Allemands. Une fois récupérés, les aviateurs étaient regroupés à Paris, puis conduits par le train jusqu’à Saint-Brieuc et Guingamp. Des convoyeurs les prenaient alors en charge pour les amener jusqu’à Plouha, où ils étaient hébergés dans des familles, en attendant les opérations d’exfiltration.
Parallèlement à la sortie du film de Nicolas Guillou, un livre consacré au réseau Shelburn et écrit par Claude Bénech paraîtra au mois d’octobre aux éditions Coop Breizh. Outre l’histoire du réseau, le livre décrit l’ambiance de l’époque : les bals clandestins, l'école, les tickets de rationnements, les sinistres avis allemands… Pas moins de quatre années de recherches ont été nécessaires pour recueillir témoignages, documents écrits ou dactylographiés, photographies d'époque, objets, etc.
>>> L’incroyable histoire du réseau Shelburn, chemin de liberté aux éditions Coop Breizh