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Une après-midi ordinaire à la prison

Conférence de rédaction des Echos de l'Ecroué

Depuis quatre ans, les détenus de la Maison d'Arrêt de Saint-Brieuc réalisent leur propre journal, Les Echos de l'Ecroué, qui relate leur vie en prison. Tous volontaires, une dizaine de détenus travaillent chaque jeudi à l'élaboration du numéro suivant. L'objectif de ce beau projet, porté par le Spip* et soutenu par le Département : donner des clés pour favoriser la réinsertion. Et si possible changer le regard sur la prison.

  • Un jeudi après-midi de février, à Saint-Brieuc. Nous pénétrons dans la maison d'arrêt, pour assister à la conférence de rédaction du journal Les Echos de l'écroué. Après avoir passé le protocole de sécurité à l'entrée, un surveillant nous guide à travers les coursives sonores, où sont alignées les 55 cellules des prisonniers, avant de nous faire entrer dans la salle de cours. Là, sont réunis une petite dizaine de détenus impliqués dans la rédaction du journal. Comme tous les jeudis de 13h30 à 15h30, ils discutent de leurs sujets, écrivent, saisissent les textes sur l'ordinateur, corrigent. Le tout sous le regard bienveillant de leurs rédacteurs en chef, à savoir Gaylord Lambert, professeur de français, et Cyrille Cantin, coordinateur du Spip, tous deux à l'origine du journal.
    « Conduire un numéro jusqu'au bout est un exercice délicat, car nous devons composer avec les contraintes de la prison : absences imprévues, transferts ou sorties de prison, parloirs... mais le journal finit toujours par être publié, à raison de deux numéros par an environ », explique Gaylord Lambert.

  • Vie quotidienne, états d'âme, horoscope...

    Ce jeudi, l'ambiance est studieuse dans cette salle de cours confortable, propice aux échanges et à la convivialité. Il y a les taciturnes, les chefs, les blagueurs, les cafardeux. Tour de table, avec Yvan, Hamid, Maxime, Jean-Philippe, Alain, Jean-Luc et Cyrille. Chacun présente les sujets en cours de préparation ou d'écriture, programmés pour le journal n°7 qui devrait sortir en juin. Maxime explique qu'il travaille sur un article consacré à l'auto-massage en cellule. Les éclats de rires fusent. « C'est sérieux les gars ! », s'énerve Maxime. Démonstration à l'appui, le jeune homme livre quelques astuces qu'il devrait dévoiler dans le journal, devant les co-détenus, hilares. « Un exercice à faire en cellule : vous vous mettez debout, dos à la colonne en fer, et vous vous massez le dos avec, comme ça ». Hamid, quant à lui, devrait proposer une recette de cuisine, « réalisable en cellule », et peut-être de nouveau l'horoscope humoristique, préparé à partir des caractéristiques des signes astrologiques.

    Photo : Bruno Torrubia

     

  • « Discussions de fond et moments de rigolade »

    L'heure s'écoule, l'ambiance reste détendue, les échanges respectueux. « La plupart du temps, nous vivons de bons moments, avec de vraies discussions de fond, qui alternent avec des moments de rigolade, note Gaylord Lambert. Certains détenus s'impliquent beaucoup sur ce projet, nous en avons eus qui sont même parfois devenus de vrais adjoints ».
    « Nous portons un regard positif sur eux, nous les encourageons, c'est notre rôle, appuie Cyrille Cantin. Je répète souvent aux détenus de mettre à profit ce temps carcéral par des activités qui leur serviront plus tard. Nous tentons de leur donner des clés pour se réinsérer ».

    Photo : Bruno Torrubia

     

  • 400 exemplaires

    Tiré en 400 exemplaires, le journal est distribué aux quelque 200 détenus, aux surveillants, aux familles, aux visiteurs de prison, et aux partenaires qui accompagnent le projet. « Ce journal a de très bons retours, de la part du personnel carcéral, des familles... Pour les gars, ce journal est très important car il les valorise beaucoup, aux yeux de leurs proches notamment », constate Gaylord. Ce ne sont pas Cyrille et Yvan qui diront le contraire, eux qui s'investissent surtout pour donner à l'extérieur une autre vision d'eux-même et de la prison.
    Pour l'heure, la fin de la séance approche. « Ce journal permet de s'évader, de s'élever, et d'oublier son histoire », nous lâche Alain, avant de retourner dans ses 9 m2 de cellule.

Article issu du n°
163
de Côtes d’Armor magazine

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