Une linogravure pour illustrer les Voeux 2024

Pénétrer dans l’atelier de Morgane Chouin, c’est comme entrer dans un refuge, un cocon où le temps semble s’arrêter. Sur la table à dessin de bois blond, une tasse de thé fumante attend son heure. Le silence est à peine perturbé par la danse de la gouge, cet outil tranchant qui, minutieusement conduit par l’artiste, creuse lentement la plaque de linoléum. Les minutes s’égrainent, éloges de la lenteur. Il faudra sept heures à notre linograveuse pour faire apparaître la totalité de son dessin, préalablement esquissé à la main. « C’est ce que j’aime dans mon travail : cette inertie, confie Morgane. C’est très méditatif. On ne peut pas aller trop vite, car il est impossible de revenir en arrière. Ça donne du sens au temps. » 

C’est ici, dans cet espace lumineux attenant à sa maison, avec porte ouverte sur le jardin, que Morgane Chouin crée des linogravures inspirées « par les paysages locaux, la côte d’Émeraude, les pêcheurs, les poissons et, plus récemment, par le végétal ou l’éco-féminisme ». Cette technique, elle l’a découverte par hasard alors qu’elle exerçait le métier de paysagiste. « Je suis tombée sur une expo en parcourant un salon Maison et jardin, retrace-t-elle. L’après-midi même, j’allais acheter mon premier kit ! » Formée à l’École nationale supérieure de paysage de Versailles, Morgane sait déjà dessiner et a appris à travailler sa créativité. « Mais il m’a fallu beaucoup expérimenter, faire des tas d’essais-erreurs… Cet apprentissage intuitif m’a beaucoup plu. »

L’artiste s’excuse parfois de « ne pas toujours travailler dans les règles de l’art », préférant « le motif à la technique ». Mais son travail a vite trouvé son public. En 2021, l’une de ses linogravures pour les Thermes marins de Saint-Malo est exposée dans le métro parisien. « Ça a enclenché un processus. Aujourd’hui, deux tiers de mes oeuvres sont des créations personnelles, vendues dans des boutiques locales, mais je travaille aussi beaucoup sur commande. » Comme à l’automne dernier, quand le Département a contacté la Dinannaise pour lui confier l’illustration de sa carte de voeux 2025. Heureux hasard, il s’agissait de représenter le château du Guildo, « un lieu où je me suis vraiment beaucoup baladée car j’ai habité tout près ». C’est donc avec une sensibilité toute particulière que Morgane Chouin a su interpréter l’histoire du site. « J’ai eu à coeur de faire cohabiter le paysage d’aujourd’hui et celui du XIVe siècle, analyse-t-elle. Et je me suis lancé un défi en travaillant pour la première fois avec deux plaques superposables. »

C’est ce second linoléum que l’artiste, en notre présence, achève de graver. « Place à l’encrage ! », annonce-t-elle. D’un geste rythmé, Morgane étire sa couleur à l’aide d’un rouleau en caoutchouc puis l’applique méthodiquement sur sa plaque. Peu à peu, l’encre révèle la silhouette du château historique et la minutie de chaque détail… Il ne reste plus qu’à recouvrir l’oeuvre d’une feuille de papier et à la passer sous la presse. « J’aime toutes les étapes de mon travail, assure Morgane, mais celle-ci est quand même spéciale car c’est là que je découvre vraiment le résultat. » Elle soulève sa feuille et affiche un sourire éclatant, satisfaite. Sa carte de voeux est prête !