• Objectif JO pour la championne du monde
     

    Originaire de Saint-Jean-Kerdaniel (22), Alicia Toublanc a décroché l’or, l’hiver dernier, aux championnats du monde de handball. Avec l’équipe de France, elle se prépare désormais pour les Jeux Olympiques de Paris. Elle a accordé une interview à Arthur, Eva, Lisa et Pierre, quatre ados des Côtes d’Armor.

  • Alicia, comment avez-vous commencé le handball ? 
    À l’école, mon institutrice nous a proposé de découvrir le hand et j’ai tout de suite adoré. Dès 7 ans, je me suis inscrite au club de Plouagat. Au début, c’était vraiment pour le plaisir, pour être avec mes copines, me défouler… Et puis au fur et à mesure, le côté sport d’équipe m’a beaucoup plu, le côté physique aussi, et ça ne m’a jamais quittée. Je suis restée dans ce club jusqu’à mes 14 ans.

    Imaginiez-vous déjà, à cette époque, que vous pourriez devenir championne du monde ? 
    Jamais (rires) ! Quand j’ai commencé, c’était vraiment pour le plaisir donc je ne me suis pas du tout imaginée réussir au plus haut niveau. Je me disais « Oh ce serait trop dingue d’être en équipe de France » mais en fait je ne connaissais pas du tout les parcours possibles pour y arriver, donc je ne me posais pas vraiment la question. Ce n’est que quand j’ai commencé à progresser et à intégrer les sélections départementales, puis régionales, puis le pôle espoir, que je me suis dit : « Oui j’adore ça, j’ai envie de continuer, j’aimerais aller en équipe de France. »

    Quelles ont été les étapes pour accéder au haut niveau ? 
    J’ai intégré le pôle espoir pendant mes trois années de lycée, puis le centre de formation du club de Brest. Ensuite, je suis entrée dans l’équipe professionnelle. J’ai emprunté un chemin plutôt classique, mais il y en a d’autres possibles. Il y a des joueuses, par exemple, qui arrivent à atteindre la première division sans passer par le centre de formation. Cela laisse de la place pour les gens motivés.

    Alicia lors des championnats de monde 2023, face à la Norvège.
    Alicia lors des championnats de monde 2023, face à la Norvège.

    Est-ce que ça a été difficile d’en arriver là ? 
    Ça n’a pas toujours été facile. Il y a des moments où on se demande si on va réussir, si c’est vraiment ça qu’on a envie de faire. Moi, j’ai vite eu des blessures au genou, alors je me suis posé beaucoup de questions : est-ce que je vais réussir à rebondir ? à retrouver mon niveau ? Mais ce sont ces difficultés qui forment le caractère et qui me permettent d’être là aujourd’hui. Il faut savoir aussi que sur 20 filles au pôle espoir, seulement 5-6 arrivent au haut niveau.

    Et maintenant, vous êtes en équipe de France… 
    Oui, j’ai été sélectionnée en 2021 juste après les JO de Tokyo. C’est toujours un honneur de jouer pour l’équipe de France, de porter le maillot bleu, de chanter la Marseillaise. C’est vraiment quelque chose de fort et puissant car on se dit qu’on représente notre pays, qu’on est l’image de ce pays. C’est une grande fierté.

    Comment s’organise votre quotidien ? 
    Mon emploi du temps est très rythmé. En général, c’est musculation le matin et entraînement l’après-midi. Entre les deux, je rentre manger chez moi et je fais une petite sieste. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y a beaucoup de travail personnel et des petites choses à faire pour la récupération : mettre des chaussettes de récupération, faire des bains froids, aller chez le kiné... Il y a aussi tout ce qui est analyse vidéo : je passe du temps à regarder des vidéos des matchs des adversaires pour ajuster mon jeu. Tout ça permet de préparer son corps à l’effort et de travailler la tactique. Les jours de matchs, c’est un peu différent. Par exemple aujourd’hui, je joue ce soir à 20 heures. Ce matin, je me suis levée un peu avant 9 heures J’ai pris un petit-déjeuner. Ensuite, on est allé faire un réveil musculaire à la salle de match, avec des petits jeux, des échauffements pour s’activer. Puis je suis rentrée chez moi, j’ai mangé et j’ai fait une petite sieste pour être en forme ce soir. Après notre interview, je vais prendre une petite collation avant de retourner à la salle pour la préparation du match.

    Handballeuse, est-ce votre métier à 100 % ? 
    Oui, c’est mon métier, c’est ce qui m’apporte un salaire tous les mois. Mais j’ai aussi un diplôme de kiné en poche, ce qui me permet de ne pas trop me poser de questions pour mon après-carrière. Comme je me suis blessée assez vite, j’ai bien vu qu’une carrière à haut niveau peut vite basculer. Donc le fait de sécuriser mon avenir avec un diplôme, j’ai trouvé que c’était la meilleure chose à faire. En plus, ces études ont été très bénéfiques car elles m’ont permis de bien connaître mon corps et d’avoir un œil plus expert sur la prévention des blessures, la préparation, la récupération, etc...

    L’hiver dernier, vous avez gagné les Mondiaux. Qu’avez-vous ressenti à ce moment ? 
    Au début je n’ai pas trop compris ce qui m’arrivait. Je n’ai pas arrêté de me répéter « Je suis championne du monde, du monde ENTIER ! C’est vraiment ce qui m’arrive ? » Je suis très très fière d’avoir réussi à faire ça et très heureuse d’avoir pu le partager avec cette équipe de France qui est top. On se dit qu’on l’a fait et qu’on l’a bien fait, surtout face à la Norvège qui est une nation phare du handball.

    Et maintenant, comment vous préparez-vous pour les JO ?
    C’est un peu particulier car je suis toute l’année au club de Brest pour le championnat et j’ai peu de temps avec l’équipe de France. On a fait quelques stages et aussi des matchs de qualification pour l’Euro, qui nous servent de préparation pour les JO. En juin et juillet par contre, je serai à 100 % avec l’équipe de France pour me préparer à fond. Après, il faut savoir que je ne suis pas encore sûre de participer aux JO. La sélection se fait au dernier moment, en fonction des états de forme des unes et des autres. Mais je me prépare comme si j’y allais pour être dans les meilleures dispositions possibles.*

    Est-ce que c’est stressant de participer à une telle compétition ?
    C’est vrai qu’il y a énormément de pression car on entend beaucoup parler des JO, à la télé, dans la rue... Comme on est championnes du monde, on sait qu’on va être très attendues par les autres équipes, par le public. Heureusement, il y a beaucoup de gens derrière moi, ça apporte beaucoup de force et de motivation. Ce qui est beau dans le sport, c’est aussi de partager des émotions avec celles et ceux qui nous suivent. 

    Est-ce que vous arrivez à revenir souvent en Côtes d’Armor ?
    On s’entraîne énormément, les jours de pause ne sont pas très nombreux donc non, je ne reviens pas très souvent. Parfois, c’est un peu frustrant car je manque les anniversaires, les fêtes de famille… Mais je sais pourquoi je fais ces sacrifices. Les émotions que me font vivre le sport sont intenses et j’ai encore envie de les vivre pendant quelques années. 

    Quel conseil donneriez-vous à un collégien qui aimerait percer dans le sport ? 
    Je lui dirais de se donner à fond et de toujours continuer à travailler. C’est la valeur principale pour réussir. Et puis aussi de surtout garder le plaisir de jouer.

     

    Eva, Pierre, Lisa et Arthur ont pu échanger avec Alicia Toublanc, par écran interposé.
    Eva, Pierre, Lisa et Arthur ont pu échanger avec Alicia Toublanc, par écran interposé.

    * Peu après cette interview, Alicia s'est malheureusement blessée lors d'un entraînement. Une lésion de la paroi abdominale lui impose actuellement quelques semaines de convalescence. Nous lui souhaitons un bon rétablissement et espérons la revoir vite sur les terrains !

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