Interview

Entretien avec Nicolas Mathieu, Prix Goncourt 2018

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C'est l'une des grandes voix de la littérature française. En 2018, Nicolas Mathieu a remporté le plus prestigieux des prix littéraires français, le Prix Goncourt, pour son roman Leurs enfants après eux. Un roman solaire, percutant et sensuel, qui nous replonge au coeur de quatre étés des années 90, de Nirvana à la Coupe du Monde 98, et où l'on y suit les premières transgressions, les rêves d'ascension sociale et les premiers émois d'une bande d'ados dans une vallée désindustrialisée de l'Est de la France. Dans le cadre du Prix Louis-Guilloux, il nous a fait l'honneur de nous parler de Louis Guilloux, auteur qu'il affectionne, de son rapport à la littérature, et de ce qui nourrit son écriture.

  • Nicolas Mathieu, qu’aimez-vous dans les romans de Louis Guilloux ?
    Tout d'abord, il faut dire que c'est un écrivain que j'ai découvert tardivement et qui m'a rappelé d'autres amours plus anciennes. Il m'a notamment fait penser à Céline. Chez lui j'ai retrouvé le même regard à la fois cruel et empathique sur notre condition, le sens du grotesque presque flamand, le vitriol et la tendresse dans un même paragraphe. Et bien sûr, un grand style. J'aime ces écrivains et ces écrivaines qui n'ont pas peur de regarder le soleil en face, quitte à se faire mal.

    Selon vous en quoi la littérature est essentielle ? Qu’apporte la lecture de roman ?
    La littérature nous apporte tout d'abord un certain type de jouissance, et il ne faut jamais bouder son plaisir. Ensuite, c'est un outil de connaissance du monde, et même d'approfondissement de notre expérience. Vivre sans jamais lire, c'est comme se contenter d'un monde en 2D. On aime mieux, on vit plus fort, on a une expérience du passage du temps, de la beauté et de l'horreur des choses plus profonde si on lit.

    Qu'est-ce qui vous inspire pour écrire ? Vous avez écrit qu’« écrire, c’est une manière de rendre des coups ». En quoi ?
    Tout ce qui m'affecte peut servir de grain à moudre. Les humiliations aussi bien que les émerveillements. Le monde nous passe au travers et y laisse sa terrible empreinte. Un écrivain, c'est quelqu'un qui a besoin de rendre par le langage cette affaire-là, cette rencontre entre un corps et un monde.

    Est-il plus difficile d’écrire après avoir reçu le plus prestigieux des prix littéraires ?
    C'est difficile parce qu'on se dit qu'on est épié, attendu, qu'il y aura toujours des gens pour vous dire "quand même j'ai préféré l'autre". Mais c'est beaucoup moins dur d'écrire après un prix Goncourt qu'après un burn out. Je sais de quoi je parle.

     

    Son dernier roman

    Connemara

    Hélène a bientôt 40 ans. Elle a fait de belles études, une carrière. Elle a réalisé le programme des magazines et le rêve de son adolescence : se tirer, changer de milieu, réussir. Et pourtant, le sentiment de gâchis est là, les années ont passé, tout a déçu. Christophe, lui, n’a jamais quitté ce bled où ils ont grandi avec Hélène. Il n’est plus si beau. Il a fait sa vie à petits pas, privilégiant les copains, la teuf, remettant au lendemain les grandes décisions, l’âge des choix. On pourrait croire qu’il a tout raté. Et pourtant, il croit dur comme fer que tout est encore possible. Connemara c’est l’histoire d’un retour au pays, d’une tentative à deux, le récit d’une autre chance et d’un amour qui se cherche par-delà les distances dans un pays qui chante Sardou et va voter contre soi.

    Ed. Actes Sud, sortie le 2 février