- Patrimoine
Grève au Joint français. Un colloque en mai et une exposition à Saint-Brieuc
La ville de Saint-Brieuc propose deux grands événements destinés à marquer le 50e anniversaire de la grève de 1972 au Joint français : un colloque universitaire du 4 au 6 mai, et une exposition de plusieurs mois au pavillon des expositions temporaires, à partir de septembre.
La ville de Saint-Brieuc et ses partenaires, dont le Département, proposent deux événements destinés à marquer le 50e anniversaire de la grève emblématique de 1972 au Joint français. Cette usine, qui produisait des joints d’étanchéité, s'est installée à Saint-Brieuc en 1962. Après plusieurs conflits de son ouverture jusqu'en 1971, une grève de grande ampleur éclate en février 1972 et dure plusieurs semaines, jusqu'au 8 mai suivant.
La fin des années 1960 en Bretagne a été, comme partout en France et dans le monde, une période de profondes transformations culturelles et sociales. Ces années de contestation ont été jalonnées de conflits dans les usines qui mettent en évidence de nouvelles aspirations, tant individuelles que collectives.
Cette grève au Joint français s’est rapidement caractérisée par une double dimension, à la fois nationale, par l’ampleur des mouvements de soutien et des retentissements politiques, et régionale par la solidarité forte du monde ouvrier et paysan ainsi que des mouvements culturels.
Un colloque universitaire du 4 au 6 mai 2022
50 ans plus tard, deux événements commémoreront ce conflit emblématique.
- Un colloque universitaire les 4, 5 et 6 mai, au campus Mazier à Saint-Brieuc : Le Joint français (mars-mai 1972) : les échos d’une grève en Bretagne.
Au printemps 1972, le personnel, en grande majorité féminin, du Joint français, entreprise parisienne dont le site de production se trouve à Saint-Brieuc, entame un long mouvement de grève. Les grandes lignes en sont connues et la grève du "Joint" figure dans les chronologies de la France pompidolienne. On retient en général du mouvement son combat pour la dignité, mettant industriels et élus en face des contradictions de leurs discours sur l’industrialisation provinciale, faite au prix d’écarts de salaires considérables entre Paris et les "périphéries" lointaines. De ce point de vue, la célébrissime photo de Jacques Gourmelen (6 avril 1972) montrant l’ajusteur Guy Burniaux face à son ancien camarade de classe, le CRS Jean-Yvon Antignac, dit beaucoup mais sans doute pas assez.
On néglige en effet trop souvent qu’il s’est agi d’une grève particulièrement longue et difficile, mais fortement soutenue à l’échelle de la Bretagne. Elle fut, à l’instar des Lip de Besançon, l’une des dernières victoires ouvrières avant la crise de 1974 excusant tout.
Victoire salariale et plus largement populaire n’est toutefois pas synonyme de victoire d’appareils démontrant leur efficacité. Cela dit, on ne peut négliger l’exceptionnelle richesse du terreau syndical de Saint-Brieuc devenue industrielle au XIXe siècle, solidement ancrée dans la lutte sociale depuis les années 1930. Sans oublier que, si un fort courant laïc existait, un vigoureux "catholicisme bleu" (avant de devenir rose) savait tenir la hiérarchie en respect comme il l’avait fait vingt ans plus tôt autour des prêtres-ouvriers ou en 1969 lors du synode diocésain.
Mais ce qui frappe le plus dans la grève au Joint français, c’est la mobilisation inédite de la jeunesse scolarisée bretonne, fille de 1968 et des universités de Rennes en plein essor.
Derrière les mécanismes de solidarité calqués sur ceux créés à l’occasion des catastrophes naturelles ou industrielles (aides aux marins ou aux sardinières), il faut insister sur le recours aux vecteurs culturels de l’action collective, en particulier musicaux ou poétiques.
Alors que l’engagement de la Bretagne en mai-juin 1968, au-delà des grandes manifestations du 8 mai et sauf quelques exceptions comme à Saint-Brieuc, avait frappé par une certaine atonie, 1972 représenta un concentré d’initiatives et de mots d’ordre posant des enjeux à bien plus grande échelle qu’une simple usine.
Le colloque qui se tiendra à Saint-Brieuc en mai 2022 pour le cinquantenaire de l’évènement, entend à la fois revenir sur celui-ci, enrichi des travaux qu’il a suscités, le réinsérer dans les contextes locaux, régionaux et nationaux et s’ouvrir sur de nouvelles perspectives.
Une exposition au Musée d'art et d'histoire de Saint-Brieuc
- Une exposition au pavillon des expositions temporaires du 17 septembre 2022 au 23 avril 2023, Re-présentation anachronique du Joint français (titre provisoire).
Faisant un pas de côté, l’exposition proposée n’entend pas faire "image" de l’événement mais plutôt mettre au travail son actualité, c’est-à-dire les discours, pratiques et régime d’attention, les modalités de son héritage, ainsi que les façons dont elle peut questionner le présent.
Aussi, ce ne sera pas la seule grève du Joint français qui sera convoquée ; elle sera mise en perspective avec d’autres événements et d’autres moments.
Cette exposition prend place dans le prolongement et les interrogations soulevées, depuis les deux résidences de recherche en anthropologie du patrimoine réalisées entre 2019 et 2021 avec Nayeli Palomo et Noël Barbe, chercheur.es, en partenariat avec le Conseil départemental (villa Rohannec’h), le soutien de la DRAC Bretagne et du ministère de la Culture.
Cette exposition prendra une place particulière dans la série de manifestations organisée dans le cadre du cinquantième anniversaire de cette grève. Ce montage muséographique, construit dans l’articulation thématique des questions que pose l’évènement de 1972 à notre monde, proposera collections de musées régionaux ou nationaux, archives tant départementales, municipales que nationales ou privées, images fixes ou animées, paroles des publics…
Contacts
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Musée d’art et d’histoire - Cour Francis-Renaud
Rue des Lycéens-martyrs22000 Saint-BrieucTel. : 02 96 62 55 20
Infos. pratiques
- Galeries permanentes ouvertes du mardi au samedi de 10h à 12h et de 13h30 à 18h / Le dimanche de 14h à 18h - Expositions temporaires de 10h à 18h. .Entrée gratuite