- Histoire
Colonie anglaise de Dinan (1800-1940). The place to be : l'église anglicane...
Epicentres de la colonie britannique, l'église anglicane et le Victoria club rythment le quotidien. La bonne société se presse aux offices et aux événements mondains organisés par la première. Les messieurs se réunissent entre eux dans le second, allant parfois jusqu'à accueillir ces dames dans les (très) grandes occasions.
Chris church Dinan est une aumônerie, où se retrouve toute la bonne société britannique à une époque où les religions constituent le pivot de la vie quotidienne. Même inachevée, faute de financement, "elle devint un véritable foyer pour la communauté anglophone de la ville"*.
Les pasteurs se succèdent dès le début du XIXe siècle et prêchent dans des salles mises à leur disposition jusqu'en 1868 et la construction du lieu de culte, au coin de la rue Broussais et de la rue Sotte, au sein du quartier des Buttes (aujourd'hui rue Aristide-Briand).
Propriété de la Ville depuis 1973, elle sert de cadre à des expositions et des concerts jusqu'en 2009, puis est mise en vente en 2016 au prix de 175 000 €, à moins qu'elle ne devienne un musée, faute d'acquisition. Financée avec peine grâce à des dons et prêts récoltés par la colonie et ses proches, mais aussi une mémorable kermesse en 1870, en pleine guerre franco-prussienne... et différentes manifestations destinées à recueillir des fonds. Mariages, confirmations et enterrements émaillent les quelques décennies de son activité. De nombreux chapelains s'y succèdent jusqu'en 1934. Un projet de démolition est même envisagé en 1970, alors que la petite église désaffectée trône dans un fouillis de ronces et d'herbes folles.
... et le Victoria club
L'église est mixte, le Victoria club, fondé en 1868 au 5 place Duguesclin (jusqu'en 1906), est exclusivement réservé aux hommes. On y vient "pour prendre un verre, fumer des cigares, jouer au whist, au billard, aux cartes ou pour discuter de l'actualité ou parler affaires", ou tout cela en même temps, voire pour s'y livrer à des jeux clandestins, selon l'accusation du commissaire de police local en 1886. Une anicroche qui se règle entre gens de bonne compagnie... dans le bureau du sous-préfet !
Tous les jours, le club est ouvert de 10 à 23 heures, y compris pour les jeunes hommes de 16 à 21 ans. Mais pour être accepté dans le saint des saints, il faut être élu par le comité. La seule inscription ne suffit pas. On comprend bien pourquoi les membres avait pris l'habitude de le baptiser "Le Cercle". Y être adoubé était le signe d'un certain statut dans la colonie anglaise, et l'assurance d'être épaulé et soutenu si le besoin s'en faisait sentir.
Ces messieurs consentent à la présence des dames dans les grandes occasions. Par exemple lors du jubilé de diamant de la reine Victoria le 22 juin 1897, où l'on donna un bal au club ; ou lors des festivités du 14 juillet 1905. Mais si les femmes sont persona non grata, des hommes doivent montrer patte blanche. En particulier s'ils sont français. A l'aube du XXe siècle, le nombre des adhérents diminue et les finances du club s'en ressentent. L'un des membres suggère d'y convier le "beau sexe" pour des afternoons tea le samedi, afin de remonter la pente financière. Le concept n'a pas le succès escompté et les dames resteront sur le seuil.
* Toutes les citations sont extraites de l'ouvrage de l'historienne franco-jersiaise Diane Monier-Moore, Dinan. La colonie anglaise, 1800-1940. Editions Plessix, 2017.