Denise Delouche raconte Yvonne Jean-Haffen

Denise Delouche est considérée comme la plus grande spécialiste actuelle de l’histoire de la peinture et des peintres en Bretagne. Elle a bien connu Yvonne Jean-Haffen qu'elle a régulièrement côtoyée dans les dernières années de sa vie. Elle est aussi la co-autrice, avec Anne de Stoop, de l'unique biographie de l'artiste publiée en 2012, "Yvonne Jean-Haffen".

• Féminisme

  Malgré un activisme forcené au service de la mémoire de son grand-homme, Mathurin Méheut, j'insisterais sur son féminisme. Un jour, nous avons eu cet échange à propos des féministes, qui s'est ainsi terminé : "Mais qu'ont-elles à réclamer ! Elles n'ont qu'à agir !"

• Sympathique et… très volontaire

  

  Elle était sympathique et charmante ; mais extrêmement volontaire ! Un soir de novembre, elle était venue dîner chez moi à Saint-Helen. Je la reconduis à La Grande vigne un peu avant minuit et lui propose de l'accompagner jusqu'en haut des 70 marches qui mènent chez elle. Elle n'a jamais voulu, et a refusé avec la dernière énergie. Très inquiète, je n'en ai pas dormi de la nuit !

• Prouesse artistique

  Nous étions allées dans le Finistère jusqu'à la faïencerie de Quimper. J'ai vu sa joie de découvrir que sa grande pièce des Potiers bretons était encore là. Elle avait réalisé cette oeuvre dans le cadre de la participation de la manufacture Henriot à l'Exposition des arts et techniques de 1937. C'est une pièce monumentale de 145 cm de haut, commandée très tardivement pour occulter une fenêtre de l’espace Henriot. Une véritable assiette est d'ailleurs incluse dans la céramique.

• Une carrière artistique qui ne décolle pas

  Sa carrière artistique n'a pas réellement pris son essor. Yvonne Jean-Haffen a sans doute été victime de son choix d'assurer une postérité à l'oeuvre de Mathurin Méheut. Cependant, quand elle a décidé de donner La Grande vigne à la ville de Dinan, l'idée que son œuvre valait tout de même quelque chose était bien en filigrane. Elle a toujours douté que son travail puisse atteindre la qualité de celui de son maître.

• Des mémoires encore inédites

  

  En effet, les mémoires d'Yvonne Jean-Haffen n'ont pas été publiées, mais je les ai lues. Elles s'appuient sur les lettres de Mathurin Méheut, et comportent de petits développements personnels très forts. Les deux artistes ont été tellement discrets dans leur liaison que personne n'aurait osé dire dans leur entourage qu'ils étaient amants. J'ai été témoin que Claudine Pigot, sa nièce dont elle a été si proche, a découvert leur liaison à la mort d'Yvonne Jean-Haffen. Elle en ignorait tout !