Culture

Dimitri Rouchon-Borie : une entrée fracassante dans le monde littéraire

Dimitri Rouchon-Borie
Dimitri Rouchon-Borie. Photo : Thierry Jeandot

Les Inrockuptibles, Le Nouvel Observateur, Le Monde, Télérama... Tous ont salué le premier roman de Dimitri Rouchon-Borie, Le Démon de la Colline aux Loups, paru aux éditions Le Tripode en janvier, qui rencontre un succès phénoménal en librairie. Une histoire haletante, bouleversante, de celle qui ne s’oublie pas de sitôt... et qui a conquis le monde littéraire. Jugez plutôt : rien moins que sept prix remportés ! Parmi eux, les prix du Premier roman des Inrockuptibles, Première RTBF, Louis-Guilloux ou encore le (métro) Goncourt.

  • Le Démon de la colline aux loups

    Journaliste au Télégramme spécialisé dans les chroniques judiciaires, Dimitri Rouchon-Borie, 43 ans, a couvert pendant dix ans de nombreux procès, restituant les faits, les silences lourds, les regards perdus, les douleurs indicibles. Avec une empathie dont il ne se départit jamais. L’empathie, il en connaît d’ailleurs un rayon, lui qui est titulaire d’un DEA en philosophie, dont le mémoire portait sur... l’empathie. Pendant dix ans donc, traversé en pleine chair par le pire, il se prend en pleine face ces failles qui s’ouvrent dans l’humain. Il y croise « ce petit Turc que le père laissait des journées dans une cave, la mère célibataire qui couche avec son voisin de 14 ans, le chef d’entreprise qui harcèle ses salariés, des violeurs... Le tribunal est un espace d’une densité et d’une puissance folles, où tu rencontres des gens qui ont raté quelque chose, un lieu qui raconte quelque chose de l’humanité ».

    Trois semaines d’écriture

    Un jour, l’année dernière, hanté par toute cette matière brûlante et organique, le journaliste se met à écrire. Pendant trois semaines, au petit déjeuner, pendant la pause déjeuner, le soir, il ne s’arrête plus, et crache son histoire par la voix de son narrateur, Duke, enfant violé devenu meurtrier, dans une sorte de transe qui l’étonne encore. « Au début parfois, quand on me félicitait pour mon roman, je m’excusais presque, comme si le roman ne venait pas de moi mais de mon personnage », confie avec humour l’auteur. Aussi, lorsqu’un certain soir de 2020, le Costarmoricain reçoit un coup de fil de la maison d’édition Le Tripode, seulement quelques heures après l’envoi de son manuscrit, il est bien loin d’imaginer ce qui l’attend. Son éditeur, lui, flaire dès la lecture du manuscrit le potentiel du roman, rappelant régulièrement à Dimitri qu’il est rare qu’un roman provoque une telle vague d’émotions.

    « C’est là que j’ai envie d’être »

    Aujourd’hui, le jeune auteur savoure l’accueil et la générosité qu’il reçoit, et se réjouit chaque jour des « rencontres incroyables et si nourrissantes » qu’il engrange sur son nouveau chemin. Un chemin qui est loin d’être terminé : traduit en italien, son roman, qui était en lice pour le Prix Goncourt du premier roman, a été couronné notamment des Prix Louis-Guilloux, du Premier roman des Inrockuptibles et RTBF, du prix des Librairies Payot... Petit à petit, Dimitri réalise qu’il a la trempe d’un écrivain, avec l’humilité qui le caractérise. Un succès entraînant l'autre, son roman Ritournelle, édité en mai par Le Tripode, creuse également un beau sillon. Pour autant, il ne lâche pas la plume. Sur les rails, la rédaction, en cours, d’une trilogie. « J’ai besoin de continuer à écrire. C’est là que j’ai envie d’être, exister comme quelqu’un qui écrit ».

    Le Démon de la colline aux loups

    Duke, jeune homme sensible et naïf, est en prison. Dans sa cellule, il écrit pour tenter de comprendre ce démon qui l’a amené là, qui a saccagé sa vie, et d’autres vies. Porté par une écriture toute aussi fulgurante que déconcertante, le roman raconte le parcours heurté et la rédemption d’un écorché de la vie, à la fois victime de ses bourreaux de parents, et coupable. Parce qu’on comprend d’où il vient, on se surprend à aimer Duke malgré l’horreur, à vouloir panser ses plaies, en totale empathie avec lui. Un roman qui explore l’origine du mal, cherche (et trouve) l’humanité dans la noirceur. Et qui se lit en apnée, aussi léger que profond, aussi sombre que lumineux.

    Quelques extraits :

    « Mon père disait ça se passe toujours comme ça à la Colline aux Loups et ça s'était passé comme ça pour lui et pour nous aussi. Maintenant je sais que ça s'est arrêté pour de bon. La Colline aux Loups c’est là que j’ai grandi et c’est ça que je vais vous raconter. Même si c’est pas une belle histoire c’est la mienne c’est comme ça. »

    « Je sentais bien que j’avais à l’intérieur une trace qui ne partait pas c’est la déchirure de l’enfance c’est pas parce qu’on a mis un pont au dessus du ravin qu’on a bouché le vide. »

    « Au bout d'un moment j'ai craqué et pleuré encore et je n'arrêtais plus de pleurer et les infirmières me prenaient dans leurs bras et une a pleuré aussi et je me disais c'est étonnant qu'il y ait tant de femmes gentilles et que pas une n'a pu être ma mère. »

    « Tous ces gens pensaient me donner quelque chose mais moi j'étais juste un enfant qui n'avait plus rien et plus on me gâtait plus on me montrait que je n'avais rien. Tout ça n'était pas à moi et je ne pouvais pas le dire ces gens étaient si fiers de faire de leur mieux pour moi ce que je vivais ne pouvait pas être soigné ni guéri je ne pouvais pas leur dire. »

    « J’ai cru que mes parents avaient mis une autre volonté en moi qui me dicterait ma vie mais maintenant je sais que j’ai fait des choix même si je n’ai pas tout décidé. Il faut comprendre que c’est trop dur de demander à un enfant qui a enduré d’avoir en plus la force de faire les bons choix c’est comme si vous demandiez à l’éclopé de marcher mieux que les autres. »

    Prix littéraires

    • Prix Première de la RTBF
    • Prix des librairies Payot
    • Prix Roblès des lecteurs
    • Prix Louis-Guilloux
    • Prix premier roman des Inrockuptibles
    • Prix (métro) Goncourt

Article issu du n°
180
de Côtes d’Armor magazine

Découvrir cette édition