- Histoire
Louis et Renée Guilloux : deux témoins se souviennent
Frédérick Laurent, le petit-fils, et Jean-Pierre Petit, le fils d'un ami cher, racontent leurs souvenirs de petits garçons, lorsqu'ils allaient chez les Guilloux au 13 rue Lavoisier à Saint-Brieuc.
Frédérick Laurent, le petit-fils
Yvonne Guilloux, fille unique de Renée et Louis Guilloux née en 1932, a eu quatre enfants. Autant de petits-enfants dont le couple s'est occupé et qui ont connu la vie de famille que l'on menait au 13 rue Lavoisier. Frédérick Laurent, le petit-fils du couple qui vit aujourd'hui à Saint-Quay-Portrieux, témoigne de ses souvenirs de petit garçon.
"J'ai grandi chez mes grands-parents de ma naissance jusqu'à mes 6 ans. Dans mon souvenir, il y avait beaucoup de passage, beaucoup de gens, des compagnons de route de mon grand-père, des Briochins, des célébrités… Quelques soutanes flottaient aussi de-ci de-là ! Nous vivions tous sous le toit de mes grands-parents, avec ma mère, mes demi-soeurs adolescentes et ma petite soeur. Leurs copains et leurs copines venaient souvent."
"J'aimais la chambre de ma grand-mère, très belle, pleine de livres, de beaux objets poétiques et fantasques, de peintures qu'elle aimait beaucoup… De petites sculptures qu'elle réalisait."
"Il était beaucoup plus difficile d'aller dans le bureau de mon grand-père ! J'étais envoyé en mission spéciale pour frapper à sa porte et l'avertir que le déjeuner était servi. Nous redescendions l'escalier, main dans la main. Ma mère préparait les repas, ou l'une des jeunes filles qui venait aider. Je me souviens surtout de Maryvonne, puis d'Annick. Elles ont vécu avec nous pour soulager mes grands-parents, et s'occuper de nous. Elles faisaient partie de la famille. La maison grouillait de monde, c'était très vivant, assez joyeux. Mon grand-père allumait le feu dans la cheminée. C'était toujours lui qui le faisait."
"Louis Guilloux est mort à l'hôpital de Saint-Brieuc. Son corps a été ramené chez lui, dans la petite chambre du rez-de-chaussée. J'avais 11 ans. Je n'étais pas sensé voir sa dépouille, mais j'ai réussi à me faufiler entre les nombreux adultes venus le saluer une dernière fois. Le jour de son enterrement à la cathédrale, il y avait une foule absolument incroyable !"
Très attaché à Renée, sa grand-mère, en 2019, Frédérick Laurent a proposé à la ville d'Etables-sur-Mer de donner son nom à la bibliothèque de la commune dans laquelle elle a fini ses jours en 1991 : "C'est un hommage que nous lui avons rendu, grâce aussi à la présence de Mona Ozouf, qui a été l'élève de ma grand-mère."
Jean-Pierre Petit, le fils d'un ami très cher
"Lorsque j'étais chez les Guilloux avec mon grand-père, on me disait souvent Va jouer dans le jardin ! Ah ce jardin… Et surtout le cerisier ! Campé dessous, je me régalais à la belle saison." Jean-Pierre Petit est artiste-peintre, installé à Tréveneuc. Dans les années 1960 – il avait alors 8 ou 10 ans, son grand-père qui porte les mêmes nom et prénom, l'emmenait souvent chez son ami Louis Guilloux.
"Les deux hommes se sont connus en 1936, lorsqu'ils ont accueilli des réfugiés espagnols ensemble. Mon grand-père présidait alors la CGT des Côtes-du-Nord. Ils ont noué une solide amitié, qui ne s'est jamais démentie, jusqu'à la mort de mon grand-père en 1975. Anne, l'une des petites-filles de Guilloux, m'a confié que c'est la seule fois qu'elle a vu pleurer son grand-père."
Le petit Jean-Pierre n'est pas toujours obligé de prendre ses quartiers dans le jardin : "Je pouvais aller dans le bureau de Guilloux avec mon grand-père. Tu montes avec moi et surtout, tu te tais ! me disait-il dans l'escalier qui menait au bureau. Guilloux n'aimait pas les enfants agités. Dans son bureau, il y avait des piles et des piles de livres et de dossiers ouverts un peu partout."
En bas, c'était le domaine de Renée Guilloux : "Les enfants étaient très heureux avec Madame Guilloux. Elle était attentive et prévenante avec eux. Il y avait bien une femme de ménage, pour mettre de l'ordre dans tout ça. Mais en fait, elle buvait le thé avec Mme Guilloux. Il faut dire qu'il y avait énormément de passage dans cette maison, un vrai salon littéraire ! Les détails matériels ne les n'intéressaient pas du tout, ils étaient dans des sphères supérieures !"
Lorsqu'il retourne aujourd'hui au 13 rue Lavoisier, il reste encore surpris, malgré le temps écoulé : "Ce qui me frappe le plus aujourd'hui, c'est son côté propre, impeccable, froid. Alors qu'au temps des Guilloux, il y avait un joyeux bazar dans la maison. Il y avait des livres partout, y compris sur les marches des escaliers, ce qui m'étonnait. Une vraie bibliothèque !"