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Patrimoine : de la préservation à la valorisation

Le patrimoine des Côtes d’Armor est d’une grande richesse. On dénombre dans le département 816 édifices protégés au titre des Monuments historiques, classés et inscrits confondus, mais également 5 324 objets mobiliers protégés. Conscient de l’enjeu lié à la préservation de cet héritage, le Conseil départemental soutient la restauration du patrimoine classé dans les communes de moins de 5 000 habitants. Il est également propriétaire de cinq édifices inscrits ou classés au titre des Monuments historiques.
Le récent incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris a rappelé à quel point les Français étaient attachés à leur patrimoine, mais aussi la vulnérabilité de ces édifices. En Côtes d’Armor, le violent incendie qui a ravagé l’église de Trémel le 21 juin 2016 est encore dans les esprits. Ce jour-là, la charpente, sa voûte en bois, les enduits, la statuaire, le mobilier liturgique, les tableaux du chemin de croix et les décors sculptés de l’église Notre-Dame-de-la-Merci ont été emportés par les flammes. Deux ans après le drame, l’édifice classé fait désormais l’objet d’un chantier de restauration hors normes.
A l’instar de l’église de Trémel, le patrimoine religieux costarmoricain est d’une grande richesse. Soucieux d’en maintenir la qualité et l’intégrité, le Département met en œuvre une politique de soutien à la restauration des objets mobiliers et des édifices protégés au titre des Monuments historiques. « Le Département attribue des aides financières aux communes de moins de 5 000 habitants qui souhaitent réaliser des travaux de conservation ou de restauration de leur édifices ou objets protégés », explique Marie Ollivier, chargée du patrimoine architectural au Département.
Cinq édifices protégés, propriétés du Département
A cela s’ajoutent les cinq édifices protégés, propriétés du Département. « Nous programmons des restaurations sur ces édifices tout en nous assurant auprès des Bâtiments de France que les travaux sont bien conformes à la vie du monument, à son évolution et à son authenticité, poursuit Marie Ollivier. L’Etat nous accompagne financièrement dans ces travaux, cela peut aller jusqu’à 50 % pour les monuments classés et jusqu’à 10 % pour les monuments inscrits. Sur ces édifices protégés, le code du patrimoine nous oblige à faire appel à des architectes spécialisés ».
Au-delà de l’accompagnement à la restauration des édifices classés dans les communes de moins de 5 000 habitants, le département propose aussi son expertise et un accompagnement financier pour la préservation des objets classés. Ces objets sont au nombre de 5 321 dans le département. 99 % d’entre eux sont des objets religieux issus du culte catholique : statues, cloches, textiles anciens comme les bannières, vitraux, autels et retables, peintures murales, etc. Des objets qui ont comme particularité d’être conservés in situ, ce qui les rend parfois vulnérables.
« Il existe en Côtes d’Armor, mais c’est le cas pour toute la Bretagne, un patrimoine religieux extrêmement riche. La spécificité costarmoricaine est liée à l’environnement rural avec des petites communes. Mon rôle est de les accompagner et de leur proposer une expertise, explique Céline Robert, conservatrice des antiquités et objets d’art des Côtes d’Armor. En amont, c’est tout un travail de repérage sur le terrain. Il existe ensuite une procédure permettant d’aboutir au classement. La restauration de ces objets bénéficie d’un accompagnement financier du Département, conjointement avec l’Etat et la Région, ce qui représente une aide pouvant aller jusqu’à 75 % ».
C’est ainsi par exemple que vient d’être restaurée, avec l’aide du Département (subvention de 18 %), une bannière du XVIe Siècle de l’église Saint-Pierre de Saint-Péver. Classée aux Monuments historiques depuis 1918, elle est considérée comme étant la plus ancienne bannière de Bretagne.
Merléac. La chapelle Saint-Jacques, un joyau du XIVe siècle
Au cœur du hameau de Saint-Léon à Merléac, la chapelle Saint-Jacques, classée Monument historique en 1908, a fait l’objet de trois ans de restauration, pour un montant total de 835 000 € HT, financé avec l’aide du Département, de la Région, de l’Etat et de la Fondation du patrimoine.
Cette chapelle, qui se trouve sur le chemin de saint Jacques de Compostelle, entre Beauport et Redon, est l’une des plus réputées de Bretagne, tant pour son ancienneté que pour son décor somptueux composé de peintures murales, d’une voûte lambrissée peinte, ou encore d’une maîtresse-vitre exceptionnelle de 8,50 m de haut, demeurée intacte depuis 1403. Sur cette dernière, le vitrail et ses 16 panneaux retracent la passion du Christ et la vie de saint Jacques.
La voûte centrale présente, en ancien français, le texte de la Genèse, tandis que la voûte sud retrace une partie de la vie de saint Jacques et la voûte nord celle de la Vierge.
« Cette chapelle est exceptionnelle de par sa dimension dans un endroit rural, son ancienneté et bien sûr la richesse de son architecture, résume Loïc Roscouët, conseiller départemental du canton de Guerlédan. Le comité des fêtes de Saint-Léon met un point d’honneur à l’ouvrir 7 jours sur 7, du 1er avril à fin octobre. A noter que le 21 juillet, jour du pardon, se tiendra une conférence de très haut niveau ».
Des communes classées à visiter
Les villages et villes classés sont nombreux en Côtes d’Armor. Par leur charme pittoresque, ils participent de l’attractivité du territoire. Il existe ainsi dans le département neuf Petites cités de caractère : Moncontour, Tréguier, Quintin, Léhon, Pontrieux, Jugon-les-Lacs, Châtelaudren, La Roche-Derrien et Guingamp. Citons également le label Commune du patrimoine rural de Bretagne affiché par Bulat-Pestivien, Guenroc (ici en photo), Hengoat, Kergrist-Moëlou, Le Quillio, Plouaret, Runan, Saint-Alban, Saint-Juvat, Saint-Méloir-des-Bois, Saint-Thélo et Tréfumel. Dinan et Lannion sont quant à elles respectivement labellisées Ville d’art et d’histoire et Ville historique par le ministère de la Culture.
Lanvellec. L'atelier du Vieux presbytère au chevet du mobilier ancien
Le baldaquin du maître-autel de la chapelle Saint-Anne à Saint-Quay-Portrieux vient tout juste de sortir de l’atelier. En cours de restauration, on trouve la chaire à prêcher de l’église de Plouzélambre ou encore le retable du maître-autel de l’église de Coatreven. L’atelier du Vieux presbytère, ouvert depuis 2001 à Lanvellec et labellisé « Entreprise du patrimoine vivant » depuis février dernier, est une référence en matière de conservation et de restauration du patrimoine. « Notre cœur de métier est de restaurer des objets mobiliers, majoritairement des objets publics classés ou inscrits », explique le responsable Sylvain Sury, diplômé de l’école Boulle à Paris.
L’atelier présente de belles références, comme la restauration, l’année dernière, de l’arche de procession dédiée à sainte Anne d’Auray. Il emploie quatre personnes polyvalentes dans les domaines de la menuiserie, l’ébénisterie, la sculpture sur bois et le tournage sur bois. Des compétences traditionnelles auxquelles s’ajoutent des techniques plus contemporaines, préalables à la restauration, comme la désinfection du bois par le froid ou la mise sous vide.
Château du Guildo. L'histoire médiévale à ciel ouvert
Surplombant l’estuaire de l’Arguenon, le château du Guildo, propriété du Département depuis 1981, est un site exceptionnel à plus d’un titre. Les vestiges du château, encore bien présents sur l’éperon rocheux, sont les témoins d’un passé défensif qui remonterait, d’après les fouilles archéologiques, au XIe siècle.
Le château, qui a connu son apogée au XVe siècle, fait actuellement l’objet d’un programme global de conservation, de sécurisation et de mise en valeur, pour un montant de 2,7 M€. Après les fouilles archéologiques, menées entre 1994 et 2013, d’importants travaux ont eu lieu en 2017 et 2018. « Ils ont permis de mieux lire l’architecture de l’édifice », explique Marie Ollivier, responsable du site.
Une deuxième tranche démarrera à partir de cette rentrée pour se terminer en 2021. Elle poursuivra le travail déjà réalisé et comportera un volet valorisation. « Un travail sera effectué avec l’archéologue qui a mené les fouilles pendant 20 ans. Des textes seront rédigés et présentés sur des panneaux en lave émaillée. Une maquette sera également réalisée pour comprendre à quoi ressemblait le château à son apogée. Sans oublier un parcours tactile pour aider les visiteurs en situation de handicap », indique Marie Ollivier.
> La visite du château se fait en accès libre
Sites culturels départementaux : valoriser par l'éducation et la culture
Conservation et valorisation du patrimoine sont intimement liées. Il arrive même parfois que la seconde justifie la première. « On ne peut dissocier les deux, estime Patrick Pichouron, chargé de la mise en réseaux des sites culturels départementaux. La meilleure façon de conserver un bâtiment est de lui donner un usage ».
Deux axes de valorisation ont été retenus pour les sites départementaux : la mise en place d’une offre éducative et pédagogique d’une part, des animations culturelles d’autre part. C’est ainsi par exemple qu’en avril 2019, dix classes ont été accueillies au château du Guildo, en partenariat avec l’Education nationale, l’Inrap, la Maison nature de Jugon-les-lacs et Coriosolis. Les sites culturels départementaux offrent également un programme de visites étoffé, grâce à des professionnels de la médiation du patrimoine, avec comme exigence de diffuser des connaissances scientifiques validées.
A cela s’ajoute l’animation culturelle des sites, à travers différentes propositions telles que la danse, la musique, le théâtre ou encore des résidences artistiques. Ainsi, chaque site a son projet culturel avec ses temps forts. Jusqu’au 6 octobre, l’abbaye de Beauport à Paimpol propose par exemple une exposition sur les illustrations naturalistes. Le château de la Hunaudaye à Plédéliac invite quant à lui le visiteur à emprunter un parcours sonore, « Détours aux tours », mêlant créations artistiques et témoignages oraux ou écrits. Le château de la Roche Jagu héberge jusqu’au 6 octobre l’exposition Arte Botanica qui voit 15 artistes investir les espaces majestueux du château et du parc et explorer le rapport entre l'art et la nature. Enfin, du côté de l’abbaye de Bon-Repos à Saint-Gelven, une exposition intitulée « Pile-poil » interroge le poil sous tous es aspects, jusqu’au 31 octobre.