Enfance

Foyer Entre-temps : apaiser des vies déjà cabossées

Mars 2019, Murielle Visdeloup, éducatrice, et un jeune accueilli la veille de notre rencontre, s'apprêtent à déjeuner dans la cuisine du foyer Entre-temps, à Gomenec'h.
Mars 2019, Murielle Visdeloup, éducatrice, et un jeune accueilli la veille de notre rencontre, s'apprêtent à déjeuner dans la cuisine du foyer Entre-temps, à Gomenec'h.

À Gomenec'h, le foyer Entre-temps peut accueillir jusqu'à neuf adolescents de 12 à 18 ans, placés ici après décision du Juge des enfants. Dans cette Maison d'Enfant à Caractère Social de l'association Beauvallon, ces jeunes, aux problématiques compliquées, tentent de se reconstruire, encadrés par une équipe de 17 professionnels. Un lieu de vie pour trouver des repères et de l'apaisement.

  • Une journée fraîche et ensoleillée de mars 2019. Il est midi, nous sommes dans la cuisine du foyer Entre-temps, à Gomenec'h, où Moha*, pré-adolescent de 12 ans, s'apprête à déjeuner. Il consent finalement à nous parler, par petites touches, après avoir refusé tout net, lorsque nous sommes arrivés deux heures auparavant. Il faut dire que le garçon n'a débarqué ici que la veille de notre venue. Dans ce nouveau lieu de vie, il y restera chaque semaine du jeudi au samedi matin, parce que « du lundi au jeudi je suis en famille d'accueil, et le week-end je vais soit au foyer Cézembre, soit chez ma mère ».

    Premières impressions : « ça va, dès que je suis venu ici, je me suis dit que ça allait être cool, c'est calme ». Avec sa grande maison en pierres, son potager, son poulailler, ses chèvres, son vaste jardin, le lieu respire la tranquillité. Un cadre propice à l'apaisement pour les adolescents au parcours déjà heurté. Là, ils passent le plus souvent au moins trois mois, « mais certains sont restés trois ans ici », note Murielle Visdeloup, éducatrice.

     L'association Beauvallon accueille dans son foyer Entre-temps, situé à Gomenec'h, des jeunes de 12 à 18 ans nécessitant une prise en charge éducative et thérapeutique.
    L'association Beauvallon accueille dans son foyer Entre-temps, situé à Gomenec'h, des jeunes de 12 à 18 ans nécessitant une prise en charge éducative et thérapeutique.

    Des adolescents déscolarisés

    « Ce sont des jeunes en rupture, qui présentent des difficultés d'ordre éducatives et psychiques, des troubles du comportement, et qui sont sous suivi médical », détaille Bastien Lepvrier, chef de service du pôle alternatif de l'association Beauvallon. Des problématiques souvent lourdes, ce qui explique la petite capacité d'accueil du foyer.

    Pour ces jeunes, 17 professionnels se relaient, 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Educateurs, veilleurs de nuit, infirmiers, médecin, maîtresse de maison : tous mobilisés pour tenter de donner aux jeunes des repères, et leur offrir une chance de se reconstruire peu à peu. La tâche est complexe pour ces adolescents, le plus souvent déscolarisés, avec des difficultés relationnelles et familiales.

    Le lien avec la famille justement, un enjeu souvent crucial pour les jeunes. Ici, les parents autorisés peuvent venir voir leurs enfants, en présence d’un éducateur. Et l'équipe veille à maintenir un lien constant avec les parents. « Malgré leur souffrance avec leur famille, malgré le rejet parfois, les défaillances ou les violences, tous les jeunes veulent retourner dans leur famille, tous se sentent poussés à faire famille », appuie Agathe Merlin, psychologue. Moha* en premier, dont le projet est de retourner « pour toujours » chez son père, « même s'il vit à Paris et que chez lui c'est tout petit », ou chez sa mère.

    Mars 2019, une partie de l'équipe du foyer Entre-temps. De gauche à droite : Agathe Merlin, psychologue, Sandrine Jehanno, infirmière, Louis Rouxel, infirmier Murielle Visdeloup, éducatrice, Bastien Lepvrier, chef de service du Pôle alternatif.
    Mars 2019, une partie de l'équipe du foyer Entre-temps. De gauche à droite : Agathe Merlin, psychologue, Sandrine Jehanno, infirmière, Louis Rouxel, infirmier Murielle Visdeloup, éducatrice, Bastien Lepvrier, chef de service du Pôle alternatif.

    « Leur donner des repères »

    L'ensemble de l'équipe en témoigne, tous les jeunes ici ont un besoin énorme d'attention. Pas toujours facile d'observer la bonne distance, face à des jeunes aux carences affectives béantes. Avec ce lourd bagage qu'ils traînent déjà, l’enjeu est que ces ados puissent, malgré tout, se construire, dans un milieu collectif et social. Une gageure, car selon Agathe Merlin, « tous sont angoissés par l'extérieur, ce sont des jeunes qui n'ont pas d'amis ». Pour autant, l'équipe reste vigilante « à ce que les adolescents s'inscrivent socialement, restent ouverts sur l'extérieur. Pour chaque jeune, nous construisons avec lui son parcours, son projet », souligne Bastien Lepvrier. Car l'objectif est bien de préparer au mieux la sortie du foyer et l'insertion sociale des jeunes, une fois majeur, en lien avec les structures médico-sociales. C'est un vrai pari pour ces adolescents, qui ont tous une reconnaissance de handicap, et « dont certains ne pourront jamais travailler, pour lesquels parfois le seul projet est d'avoir un logement », poursuit le chef de pôle.

    A l'Entre-temps, les jeunes accueillis disposent d'un environnement apaisant. "Nous essayons de leur donner un cadre, mais également de beaux moments, comme pour n'importe quel enfant", indique Murielle Visdeloup, éducatrice. 
    A l'Entre-temps, les jeunes accueillis disposent d'un environnement apaisant. "Nous essayons de leur donner un cadre, mais également de beaux moments, comme pour n'importe quel enfant", indique Murielle Visdeloup, éducatrice.

    Barbecue, camping, soin des animaux...

    Au quotidien, l'équipe s'adapte à chaque jeune, à leurs envies et à l'humeur du moment. « Nous allons souvent à la plage, quand le temps le permet on fait un barbecue. Certains mettent du cœur à s'occuper des animaux, d'autres parfois n'ont juste envie de rien faire pour pouvoir se ressourcer. Le dialogue s'installe souvent dans des temps informels, lorsque nous cuisinons ensemble, ou sur les temps de trajet, indique Murielle Visdeloup. L'été dernier, nous sommes allés au camping à Quiberon pendant deux jours. Week-ends à Bréhat, déplacements aux matches à Guingamp, aux Estivales de volley, au festival de Bobital... Nous essayons de leur donner un cadre, mais également de beaux moments, comme pour n'importe quel enfant ».

    * Le prénom a été modifié

    L'association Beauvallon

    Implantée dans les Côtes d'Armor depuis 20 ans, l'association Beauvallon œuvre dans le champs de la protection de l'enfance, à travers la Maison d'Enfant à Caractère Social (MECS), et met en place des actions de prévention en faveur des jeunes fragilisées et leurs familles. En terme de prévention, trois dispositifs ont été mis en place : deux Points Accueil Ecoute Jeune, à Lannion et Saint-Brieuc, deux Centres d'Accueil à la Parentalité, à Saint-Brieuc et Paimpol, et dernièrement une mission prévention spécialisée, à Saint-Brieuc, Guingamp et Lannion. La MECS de l'association est habilitée par le Département, dans le cadre de la Protection de l'enfance, à protéger et accueillir les adolescents pour lesquels les difficultés psychologiques, familiales ou sociales motivent une décision de placement. D'une capacité d'accueil de 71 jeunes, la MECS regroupe notamment trois foyers : Escale à Saint-Brieuc, Keranstivel, à Lannion, Entre-temps, à Gomenech, qui se singularise par la la complexité des problématiques des jeunes accueillis.