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Police-Population : briser les barrières entre jeunes et policiers
Police-Population. C'est le nom d'un des dispositifs mis en place pour rapprocher les jeunes des quartiers et la police. Porté en Côtes d'Armor par la Ligue de l'Enseignement, le projet a démarré en septembre sous forme d'ateliers, animés par un auteur de polar et un graffeur, dans quatre classes d'établissements scolaires de Saint-Brieuc. Ambiance au Lycée Chaptal, où nous avons suivi une classe de 2de. Au programme notamment, des échanges sans cliché avec police.
Un jeudi matin de septembre. L'action se situe quelque part dans un commissariat, probablement du côté de Saint-Brieuc. Le policier interroge un homme, venu faire une déposition car sa fille a disparu. « Comment s'appelle votre fille ? Depuis quand a t-elle disparu ? ». Mine déconfite du père : « Attendez, je passe un coup de fil à ma femme... Chérie, comment s'appelle notre fille ? Quand est-ce qu'elle a disparu ? Ah d'accord, merci ». Rires francs dans l'assistance, et applaudissements nourris pour saluer la prestation des deux lycéens qui viennent d'inventer ces savoureux dialogues.
Nous sommes dans le CDI du lycée Chaptal, à Saint-Brieuc. 14 d'élèves de 2de Métiers de l'électricité (MELEC) planchent dans la bonne humeur sur la ré-écriture de Blanche-Neige, sous la houlette de Pascal Millet, auteur costarmoricain de polar programmé au festival lamballais Noir sur la Ville : « J'ai choisi ce conte car c'est une histoire assez noire, qui fourmille de personnages et de dialogues ».
La mission des élèves, visiblement acceptée avec enthousiasme : adapter l'histoire des frères Grimm en une nouvelle policière. A leurs côtés, leur professeur de français, deux policiers, et des représentants de de la Ligue de l'enseignement et de la Préfecture. Tous présents pour accompagner le premier atelier du projet Police-Population.
Ecriture d'une nouvelle policière et graff
Proposé depuis 2015 par les ministères de l’Intérieur et de la Ville dans le cadre d'appels à projet lancés dans les départements, ce dispositif poursuit un objectif clair : améliorer les relations entre les jeunes et les forces de sécurité de l’État. Depuis 2017, c'est la Ligue de l'enseignement qui porte le projet en Côtes d'Armor. « Pour favoriser le dialogue, il fallait proposer une rencontre qui ne soit pas frontale entre les jeunes et la police, et imaginer un projet ludique, explique Lisenn Muzellec, coordinatrice du projet à la Ligue de l'enseignement. Cette année nous avons donc mis en place des ateliers d'écriture avec Pascal Millet, et des ateliers graff avec Deuxben de Rennes ».
La classe de 2de du lycée Chaptal n'est pas la seule à participer au projet, qui compte également deux classes de 4è des collèges Racine et Beaufeuillage, ainsi qu'une classe d'élèves intégrés dans une Mission de lutte contre le décrochage scolaire. D'ici fin novembre, les quatre classes auront bénéficié chacune de six séances d'ateliers avec l'auteur et le graffeur. « Toujours en présence d'un policier, précise Erick Prunier, directeur de la Ligue de l'enseignement en Côtes d'Armor. La mise en relation entre les jeunes et la police est la raison d'être de ce projet. L'objectif est bien de casser les codes, de briser les clichés et d'encourager l'inter-connaissance entre eux ».
« N'hésitez pas à venir nous voir au commissariat »
Retour dans notre CDI. L'exercice d'écriture se poursuit. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les idées ne manquent pas : une reine qui trouvera son miroir chez un coiffeur briochin, une Blanche-Neige qui se perdra dans la vallée de Gouëdic, un policier en guise de prince, et un père qui sera « soit le roi du Lidl, soit le roi du Burger King, soit le roi du boulon », nous glisse Valentin en aparté. « Ce sont les élèves qui trouvent les idées. De mon côté je les dirige, les recentre au besoin », indique Pascal Millet.
Fin des exercices d'écriture, place à l'échange avec les deux policiers. Les questions des élèves fusent. « Vous avez déjà eu à vous servir de votre arme ? Est-ce qu'il y a beaucoup de trafic de stupéfiants à Saint-Brieuc ? ». Patiemment, Stéphane Le Scornec, Commandant de police et Chef-d'État major, et Christian Chalon, Major de police, répondent aux lycéens, avant de les inviter à « ne surtout pas hésiter à venir nous voir au commissariat pour demander des renseignements, car nous sommes aussi là pour informer les habitants ».
La séance est levée. Valentin, Mathéo, Maxence et leurs camarades s'éparpillent dans un joyeux brouhaha. Maxence, lui qui « de base n'aime pas le français, alors que là c'était vraiment comique », a surtout retenu la « bonne ambiance ». « Et puis on a appris comment faire un conte, c'était fort sympathique », résume Mathéo.
Roi du boulon, prince-policiers et autres sept nains
Quelques heures plus tard, toujours au lycée Chaptal avec nos 2de MELEC, mais cette fois dans l'atelier d'arts plastiques, animé par Deuxben de Rennes. Autre cadre, même objectif : créer un échange positif avec les policiers. Les tables sont jonchées de dessins réalisés au crayon papier par les élèves. Tout à la fois appliqués et bavards, les élèves peaufinent leur personnage. Les uns ont pour mission d'inventer leur reine, d'autres leur policier. Nous y découvrons notamment un policier armé, affublé de jambes nues ultra-musclées et chaussé de mocassins. Julien Mary, directeur Police Sport Prévention, qui assistera à chaque atelier graff, s'en amuse, répond aux questions, encourage.
D'esquisses en échanges détendus avec le policier, ce premier atelier graphique prend fin. Dans quelques semaines, ce sera la cerise sur la gâteau pour les élèves, qui verront leurs rois du boulon, prince-policiers et autres sept nains incorporés sur une fresque colorée, et leurs noms inscrits sur leur nouvelle policière.