- Société
Le bénévolat fait sa mue

Des bénévoles plus volatiles mais pas moins nombreux ; la coopération préférée à l'exécution ; une appétence pour les causes lointaines plutôt qu'à sa porte ; des modes de gouvernance associative à transformer : tels sont les constats sur la mutation du bénévolat analysée par la sociologue bretonne Laurence Davoust Lamour.
Qui sont les bénévoles aujourd'hui ?
C'est une question difficile, d'une part car les bénévoles sont nombreux, d'autre part parce que le bénévolat est un engagement libre et non-rémunéré, enfin parce que le bénévolat est souvent informel.
Quelles sont les différentes formes du bénévolat ?
Cela va du coup de main informel et ponctuel, à l'engagement avec une fonction de responsabilité dans une structure formalisée. Les bénévoles revendiquent d'être libres de leur parole et de leur choix, ont besoin d'un "pouvoir d'agir". A tel moment, je suis disponible, je peux venir sans que cela gêne ma vie personnelle. Mais que l'on ne me dise pas ce que je dois penser, dire ou faire. Cette tendance du bénévolat s'affirme depuis 10 ou 15 ans.
"Le bénévole régulier est un bénévole occasionnel que l'association a su élever." (Bernard Vitre, délégué régional Bretagne de France Bénévolat)
Comment valoriser l'engagement bénévole ?
Bénévole, c'est une façon d'exister socialement. C'est se convaincre qu'on a de la valeur. Je suis attachée à l'accompagnement des bénévoles. Des professionnels doivent pouvoir les accompagner, mettre des mots sur leurs engagements, afin qu'ils et elles se sentent utiles socialement,.
C'est à la fois nommer des compétences, et trouver ses motivations dans le bénévolat pour compléter un cadre professionnel. C'est une démarche politique et citoyenne. Cela vient dire que dans nos postures, on peut transformer la société.
Qu'en est-il du bénévolat associatif des jeunes ?
Il n'y a pas de crise du bénévolat ou alors on y est depuis 50 ans ! Nous sommes surtout dans une transformation radicale du bénévolat. Mais pour trouver du renouvellement associatif, les structures doivent renouveler leurs cadres. La loi de 1901 laisse plus de liberté aux organisations qu'elles n'en saisissent, notamment dans les modes de gouvernance.
Des collectifs de jeunes, comme les juniors associations par exemple, travaillent de manière plus collégiale afin d'éviter une forme de "dictature associative".
"L'engagement des jeunes dans le bénévolat a augmenté de plus de 30 % depuis 2010." (Dominique Thierry, auteur de Les bénévoles et l'association)
Les associations ont besoin de compétences de plus en plus pointues. Est-ce un frein à l'engagement ?
Oui, je le crois. Ce n'est pas un frein au bénévolat, mais à l'engagement associatif oui. On n'entre pas dans une association pour que ce soit notre deuxième emploi ! Le bénévolat n'est pas un métier, mais un engagement. Il impose aux structures de veiller aux complémentarités bénévoles / salariés pour promouvoir et faciliter la coopération plutôt que l'exécution. Le mode de coopération entre les bénévoles et les salariés a de beaux jours devant lui.
Gère-t-on des bénévoles comme des personnes salariées ?
Si on fait ça, on perd ses bénévoles. On s'engage comme bénévole parce qu'on trouve du sens à ce que l'on fait, du rythme, de la convivialité, du plaisir à être ensemble… La coopération et l'engagement, ça rend heureux ! Bien accueillir et valoriser ses bénévoles est important.
Il semble que l'engagement soit de de moins en moins idéologique. Est-ce le cas ?
C'est peut-être vrai, mais je n'ai pas envie de le dire ainsi. Pas moins idéologique, en termes de préservation de la planète, de prise de parole en public… Il me semble que plus les causes sont éloignées, plus elles sont mobilisatrices. Comme s'il était plus facile de se mobiliser pour la préservation de la planète que pour trier ses déchets chez soi au quotidien ; ou plus facile d'accueillir des étrangers qu'un SDF qui a besoin d'un hébergement pour la nuit. Cela me questionne beaucoup, mais le tissu associatif est aussi le miroir de la société.
Laurence Davoust Lamour, sociologue
Laurence Davoust Lamour est Finistérienne. Docteure en sociologie, sa thèse de doctorat s'intitule S'engager pour se construire : un enjeu contemporain pour les jeunes. Elle y analyse le lien entre les constructions identitaires de jeunesse et les engagements associatifs bénévoles.
Plus largement, son champ de recherche porte sur l'engagement, les politiques éducatives et sociales, les jeunesses, l'accompagnement et les parentalités.
Enseignante associée à l’Université de Bretagne-Sud sur le site de Lorient, elle est aussi fondatrice et responsable de Socioscope. Cette association accompagne les collectivités et les associations dans l'élaboration de leurs projets politiques et de leurs réflexions collectives.